C’est la fin d’une ère pour l’un des pionniers de la robotique domestique. Comme on pouvait le craindre, le fabricant américain des célèbres aspirateurs Roomba, iRobot, a annoncé dimanche soir s’être placé sous la protection du Chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, ouvrant la voie à son rachat par son principal partenaire industriel, Picea Robotics, une entreprise basée en Chine.
Fondée en 1990 et longtemps considérée comme l’icône incontestée de l’aspirateur robot, la société du Massachusetts tente désormais de sécuriser sa survie après plusieurs années de difficultés financières et de pertes de parts de marché.
iRobot : Une faillite sous contrôle, sans impact immédiat pour les utilisateurs
Dans son communiqué officiel, iRobot se veut rassurant : l’entreprise affirme que ses activités vont se poursuivre sans interruption notable. « Il n’y a aucune perturbation anticipée concernant les applications, les programmes clients, les partenaires mondiaux, la chaîne d’approvisionnement ou le support produit », assure la direction.
Concrètement, cela signifie que les Roomba déjà en circulation continueront de fonctionner normalement, avec un accès maintenu aux services cloud, aux mises à jour logicielles et au service après-vente — du moins à court et moyen terme.
De pionnier à marque fragilisée par la concurrence chinoise
iRobot fut l’un des tout premiers acteurs à démocratiser la robotique domestique. Le lancement du premier Roomba en 2002 avait littéralement redéfini le ménage automatisé, au point que la marque est devenue un nom générique — le « Kleenex » de l’aspirateur robot.
Mais plus de vingt ans plus tard, le paysage a profondément changé. Des marques chinoises comme Roborock, Ecovacs ou Dreame ont pris l’avantage, proposant des appareils plus performants, mieux équipés et souvent moins chers. Résultat : la part de marché d’iRobot s’est progressivement érodée.
L’échec du rachat par Amazon, un tournant décisif
En 2022, le rachat d’iRobot par Amazon pour 1,7 milliard de dollars semblait offrir une planche de salut. Mais, l’opération a finalement été abandonnée début 2024, sous la pression des régulateurs américains et européens, inquiets d’un renforcement excessif du pouvoir d’Amazon sur les données domestiques.
Ce revers a été brutal. Dans la foulée, iRobot a licencié 31 % de ses effectifs, évincé son PDG historique Colin Angle, et tenté une refonte accélérée de sa gamme, avec des baisses de prix et de nouveaux modèles développés en partenariat avec Picea Robotics.
Malgré ces efforts, les revenus ont continué de chuter.
Des chiffres qui ne laissent plus de marge de manœuvre
Selon Reuters, iRobot a enregistré 145,8 millions de dollars de chiffre d’affaires au troisième trimestre, soit une baisse de 25 % sur un an, avec un recul de 33 % aux États-Unis.
La situation de trésorerie était devenue critique :
- 24,8 millions de dollars en cash fin septembre, contre 40,6 millions trois mois plus tôt
- aucune nouvelle source de financement disponible,
- et un impact sévère des droits de douane américains, notamment une taxe de 46 % sur les produits fabriqués au Vietnam, où iRobot assemble ses robots destinés au marché américain.
Picea Robotics reprend les commandes
Dans le cadre du plan de restructuration, Shenzhen Picea Robotics, à la fois fabricant et créancier clé, prendra le contrôle total d’iRobot. L’entreprise dispose de centres de R&D et d’usines en Chine et au Vietnam.
Selon Bloomberg, cette acquisition permettra la poursuite du développement produit, le paiement normal des fournisseurs et créanciers, et le maintien des obligations envers les employés.
iRobot deviendra une entreprise privée, et ses actions seront retirées des marchés financiers, mettant fin à plus de 30 ans de cotation en Bourse.
Une marque légendaire à un tournant historique
« Cette annonce marque une étape décisive pour assurer l’avenir à long terme d’iRobot », a déclaré Gary Cohen, PDG actuel du groupe.
Créée par trois roboticiens issus du MIT, iRobot a vendu des millions de Roomba dans le monde et posé les bases de la robotique domestique moderne. Mais l’histoire récente rappelle une réalité brutale : dans un marché devenu ultra-compétitif, l’innovation seule ne suffit plus sans solidité financière et agilité industrielle.
Le Roomba continuera sans doute de nettoyer nos sols encore longtemps. Mais désormais, il le fera sous pavillon chinois — symbole d’un basculement plus large de l’industrie technologique mondiale.



