Huawei vient de franchir une étape majeure dans sa reconquête technologique. En dévoilant son nouveau processeur Kirin X90 gravé en 5 nm et destiné à un PC portable pliable, le géant chinois affirme ne plus être qu’à une génération de retard par rapport aux leaders mondiaux, comme TSMC et Samsung.
Cette avancée est d’autant plus significative que Huawei et son partenaire de fabrication SMIC (Semiconductor Manufacturing International Corporation) ne disposent pas des équipements les plus avancés du marché, bloqués par les sanctions américaines toujours en vigueur.
Un processeur 5 nm sans EUV ? Un exploit à la chinoise
Les machines de lithographie EUV (ultraviolette extrême) sont indispensables pour produire des puces de 7 nm et moins, et sont essentielles à la fabrication des dernières générations de SoC. Or, Huawei et SMIC n’ont pas accès à ces machines, fabriquées exclusivement par le néerlandais ASML, à cause des restrictions imposées par les États-Unis.
Pour contourner ce verrou technologique, SMIC a utilisé une technique avancée de patterning multiple, le SAQP (Self-Aligned Quadruple Patterning), permettant de « simuler » une finesse de gravure inférieure à ce que permet normalement une machine DUV (Deep Ultraviolet). Ce processus augmente la complexité, les coûts, et diminue les rendements, mais permet à SMIC de produire du 5 nm sans EUV.
Le Kirin X90 : une prouesse sur fond de sanctions
Le nouveau Kirin X90, basé sur le nœud 5 nm N+2 de SMIC, sera utilisé dans un ordinateur portable pliable que Huawei prévoit de commercialiser en Chine. Si la finesse de gravure est comparable à celle des puces 5 nm de 2020, les smartphones Android haut de gamme actuels utilisent déjà des puces en 3 nm, et TSMC et Samsung préparent leurs premières productions en 2 nm pour 2025.
Autrement dit, Huawei accuse toujours un retard technologique, mais réduit l’écart, ce que souligne le PDG Ren Zhengfei : « Notre puce est encore une génération derrière les États-Unis. Mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter du problème des puces ».
22 milliards d’euros par an investis en R&D
Huawei affirme investir 180 milliards de yuans par an (environ 22 milliards d’euros) dans la recherche. Pour compenser son retard matériel, l’entreprise mise sur des approches alternatives à la loi de Moore, qui stipule que le nombre de transistors sur une puce double tous les deux ans.
Ren Zhengfei explique : « Nous utilisons les mathématiques pour compléter la physique, des approches hors loi de Moore, et le calcul en grappe pour compenser les limitations des puces individuelles ».
Cette vision traduit une volonté de s’adapter par le logiciel, le parallélisme informatique et l’optimisation algorithmique, des voies que même les géants américains explorent pour dépasser les limites physiques du silicium.
Vers un avenir sans dépendance occidentale ?
En dépit des obstacles techniques et commerciaux, Huawei entend poursuivre sa stratégie d’indépendance technologique. Le développement de la puce Kirin X90, même dans un environnement limité par l’absence d’EUV, montre que la Chine avance vite dans la fabrication avancée de semi-conducteurs, grâce à des solutions alternatives et des investissements massifs.
Le Kirin X90 pourrait bien marquer le début d’un nouveau cycle d’innovation « made in China », sur fond de reconfiguration du marché mondial des semi-conducteurs.
Huawei réduit l’écart, mais le défi reste immense
Même si le Kirin X90 ne rivalise pas encore avec les SoC de 3 nm d’Apple ou Qualcomm, sa conception maison et sa fabrication locale en font un symbole de résilience technologique pour Huawei. Face à un environnement géopolitique complexe, l’entreprise démontre qu’elle est capable de tenir tête à l’Occident, tout en préparant la prochaine génération de puces chinoises.
Reste à voir si cette montée en puissance pourra soutenir la comparaison sur le long terme face à TSMC, Samsung et les géants américains du secteur.