Le plus grand fabricant de puces au monde, TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company), tire la sonnette d’alarme : de nouveaux droits de douane envisagés par les États-Unis sur les semi-conducteurs pourraient menacer l’un des plus vastes projets industriels du pays.
Dans une lettre officielle envoyée au Département du Commerce américain le 5 mai, la filiale américaine de TSMC plaide pour que les importations de puces restent exonérées de droits de douane.
Un méga-investissement de 165 milliards de dollars en jeu
TSMC a déjà investi 65 milliards de dollars dans la construction de trois usines de fabrication de puces (fabs) à Phoenix, Arizona. La première est déjà opérationnelle, la deuxième est en phase finale de construction, et la troisième vient tout juste d’être lancée. À cela s’ajoute un engagement supplémentaire de 100 milliards de dollars pour la réalisation de trois autres fabs, de deux usines de conditionnement avancé et d’un centre de recherche et développement.
Une fois toutes les installations finalisées, TSMC prévoit une production de 100 000 wafers par mois, soit près de 30 % de sa capacité mondiale prévue pour les puces de nouvelle génération en gravure 2 nanomètres et au-delà. Le géant taïwanais estime que ce projet pourrait générer plus de 200 milliards de dollars d’activité économique et des dizaines de milliers d’emplois directs et indirects.
Des tarifs douaniers qui menaceraient tout
Mais un danger guette. Le rapport Section 232 sur les importations de semi-conducteurs — attendu juste après le 26 mai — pourrait recommander l’instauration de droits de douane sur les puces importées, y compris celles produites à Taïwan. Une telle mesure, si elle est appliquée, pourrait gravement affecter la viabilité économique de l’expansion de TSMC aux États-Unis.
TSMC explique que les tarifs douaniers feraient grimper les prix de produits technologiques finis comme les smartphones ou les ordinateurs, réduisant la demande et compliquant la rentabilité des fabs américaines. En outre, les États-Unis ne produisent pas une grande partie des équipements spécialisés nécessaires à la fabrication avancée de puces, obligeant les fabricants à dépendre des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Un dilemme politique majeur pour Washington
La requête de TSMC intervient dans un contexte particulièrement tendu. L’ancien président Donald Trump a récemment évoqué la possibilité de tarifs allant jusqu’à 100 % sur les puces taïwanaises, accusant Taïwan d’avoir « volé » le marché américain.
En réponse, TSMC exhorte le gouvernement américain à exempter de droits de douane les entreprises ayant des sites de production importants aux États-Unis, afin de préserver la fluidité de la chaîne d’approvisionnement. Pour le fabricant, il en va non seulement de son investissement colossal en Arizona, mais aussi de l’ambition américaine de relocaliser la production de semi-conducteurs stratégiques.
Un tournant pour la politique industrielle américaine
L’enjeu dépasse largement TSMC. Cette situation met en lumière le fragile équilibre entre protectionnisme économique et souveraineté technologique. D’un côté, Washington veut relancer la production nationale de puces avec des programmes comme le CHIPS Act. De l’autre, des mesures tarifaires excessives pourraient décourager les investissements étrangers — pourtant essentiels pour bâtir un écosystème semi-conducteur compétitif.
La décision du Département du Commerce, attendue dans les prochaines semaines, sera donc déterminante pour l’avenir de la stratégie industrielle américaine dans le secteur des semi-conducteurs. Si les États-Unis veulent attirer les leaders mondiaux, comme TSMC, la clarté et la stabilité réglementaire seront cruciales.