Vous vous souvenez de DeepSeek ? Début 2025, cette start-up chinoise d’intelligence artificielle a brièvement créé la surprise en détrônant ChatGPT pour devenir l’application gratuite la plus téléchargée sur l’App Store. Mais, ce n’est pas ce succès éphémère qui a fait de DeepSeek un sujet brûlant dans l’écosystème tech mondial.
La véritable onde de choc venait d’ailleurs : son coût d’entraînement annoncé à seulement 6 millions de dollars, soit entre 1 % et 10 % du budget nécessaire pour entraîner des modèles comme GPT-4 ou Claude 3. Un chiffre si bas qu’il a immédiatement suscité fascination… puis scepticisme.
DeepSeek : Une IA peu fiable et idéologiquement alignée
L’enthousiasme n’a pas duré longtemps. Quelques semaines plus tard, plusieurs tests indépendants ont livré un verdict sévère.
DeepSeek affichait un taux de précision d’à peine 17 %, se classant 10e sur 11 chatbots évalués, derrière ChatGPT et Gemini. Plus préoccupant encore :
- 39 % des réponses contenaient des affirmations fausses,
- 53 % des requêtes liées à l’actualité recevaient des réponses vagues ou inutiles,
- et, point le plus sensible, DeepSeek adoptait systématiquement la position de Pékin sur des sujets géopolitiques — même lorsque la Chine n’était pas mentionnée dans la question.
Ces résultats ont rapidement terni l’image d’une IA présentée comme révolutionnaire, révélant au contraire des biais idéologiques marqués et une fiabilité très limitée.
Des GPU Nvidia Blackwell… introduits clandestinement ?
L’affaire a pris une tournure bien plus grave avec la récente publication d’un rapport de The Information. Selon ce document, DeepSeek utiliserait entre 2 000 et 2 300 GPU Nvidia Blackwell (B100 et B200) pour entraîner son prochain modèle d’IA.
Problème majeur : ces puces sont strictement interdites à l’exportation vers la Chine en vertu des restrictions américaines. Washington justifie ces interdictions par deux objectifs clairs :
- conserver une avance stratégique dans la course mondiale à l’IA,
- empêcher que ces technologies ne tombent entre les mains de l’armée chinoise.
Le rapport affirme que ces GPU auraient été achetés par de faux data centers en Asie du Sud-Est, autorisés à s’en procurer, avant d’être démontés, dissimulés et expédiés en Chine sous couvert d’autres marchandises.
Nvidia minimise… mais les faits interrogent
Face à ces accusations, Nvidia a fermement réagi, qualifiant ces scénarios de « hautement improbables ». Un porte-parole a déclaré : « Nous n’avons reçu aucune preuve crédible de data centers fantômes destinés à tromper Nvidia et ses partenaires avant d’être démantelés et reconstruits ailleurs ».
Une position pour le moins étonnante, alors que le Département de la Justice américain a récemment démantelé un réseau ayant introduit en Chine plus de 160 millions de dollars de GPU Nvidia H100 et H200.
Autre détail troublant : après les premières révélations, Nvidia a discrètement ajouté un système de géolocalisation logicielle, surnommé en interne une « laisse numérique », afin de vérifier l’emplacement réel de ses puces. Une mesure qui suggère que le constructeur prend la menace bien plus au sérieux qu’il ne l’admet publiquement.
DeepSeek nie et évoque Huawei
De son côté, DeepSeek rejette catégoriquement ces accusations. L’entreprise affirme entraîner son prochain modèle à l’aide de GPU Nvidia H800 (version bridée autorisée en Chine), et de puces Huawei Ascend 910C.
En Chine, la puce la plus avancée reste l’Ascend 910B, fabriquée par SMIC en 7 nm, un processus nettement inférieur au 4 nm de TSMC utilisé pour les GPU Nvidia H200. Cette différence technologique explique pourquoi les solutions domestiques chinoises peinent à rivaliser avec les accélérateurs américains.
Dans une décision aussi audacieuse que controversée, le président Donald Trump a récemment autorisé Nvidia à exporter le GPU H200 vers certains clients chinois, tout en faisant de l’État américain un partenaire à hauteur de 25 % des revenus générés. Sur le papier, l’idée est brillante : taxer directement l’appétit chinois pour les technologies américaines. Dans les faits, Pékin pourrait restreindre volontairement l’accès au H200 afin de favoriser ses propres champions nationaux comme Huawei.
Résultat : Nvidia reste extrêmement prudent dans ses prévisions de ventes, et la manne financière espérée par Washington pourrait bien rester largement théorique.
Une affaire révélatrice des tensions mondiales autour de l’IA
L’affaire DeepSeek illustre parfaitement les lignes de fracture actuelles : course effrénée à l’IA, guerre technologique entre les États-Unis et la Chine, dépendance critique aux semi-conducteurs avancés, et instrumentalisation politique des modèles d’IA.
Entre soupçons de contrebande, performances discutables et alignement idéologique, DeepSeek est passé en quelques mois du statut de prodige low-cost à celui de symbole des dérives et tensions de l’IA mondiale.
Une chose est sûre : dans la bataille de l’intelligence artificielle, les lignes de code sont désormais aussi stratégiques que les pipelines de pétrole ou les routes maritimes.


