En 2012 déjà, un rapport préliminaire du Comité du renseignement de la Chambre des représentants des États-Unis désignait Huawei et ZTE comme des menaces à la sécurité nationale. L’accusation ? Le constructeur chinois aurait pu intégrer du matériel de surveillance dans ses smartphones et équipements réseau. Si Huawei a toujours nié ces allégations, le mal était fait.
2019 : Huawei rejoint la redoutée Entity List
En mai 2019, l’administration américaine ajoute Huawei à l’Entity List, une liste noir tenue par le Bureau of Industry and Security (BIS) du Département du Commerce. Cette décision interdit aux entreprises américaines de vendre ou de transférer des technologies d’origine américaine à Huawei sans autorisation gouvernementale préalable.
Résultat immédiat : Huawei perd l’accès à Google, notamment au Play Store et aux services mobiles Android (GMS). Ne pouvant plus utiliser la version propriétaire d’Android, Huawei est contraint de se reposer sur la version open-source, dépourvue des applications Google… ce qui limite considérablement l’intérêt de ses smartphones en dehors de la Chine.
La naissance de HarmonyOS : un OS maison pour survivre
Face à l’isolement technologique, Huawei développe son propre système d’exploitation, baptisé HarmonyOS. En parallèle, la marque construit un écosystème complet, Huawei Mobile Services (HMS), avec sa propre boutique d’applications : AppGallery.
Mais, l’épreuve la plus difficile reste à venir. En 2020, le gouvernement américain renforce les restrictions en modifiant la règle des produits étrangers directs (FDPR), ce qui empêche Huawei de commander des puces avancées à toute fonderie utilisant des technologies américaines. Cela coupe l’accès aux puces 5G haut de gamme, y compris celles de Qualcomm et MediaTek.
De leader mondial à géant affaibli
En 2020, Huawei devient brièvement le numéro un mondial des smartphones, dépassant Apple et Samsung au deuxième trimestre. Mais dès le quatrième trimestre, les effets des sanctions commencent à se faire sentir. Privée de ses puces Kirin 5G (conçues en interne), l’entreprise se tourne vers Qualcomm, mais ne reçoit que des puces bridées au 4G.
2023 : Huawei revient en force avec le Mate 60 Pro et la 5G
Contre toute attente, Huawei crée la surprise en août 2023 avec le lancement du Mate 60 Pro. Ce smartphone embarque une puce Kirin 9000S avec compatibilité 5G, fabriquée par SMIC, la plus grande fonderie chinoise, avec une gravure en 7 nm. C’est le premier flagship 5G de Huawei depuis 2020… sans aucune contribution technologique américaine.
Une performance saluée comme un exploit industriel et stratégique, qui marque le retour de Huawei sur le devant de la scène, au moins sur le marché chinois.
Un modèle de résilience technologique pour la Chine ?
Lors d’un événement à Guiyang, Tao Jingwen, président de la qualité et des systèmes informatiques chez Huawei, a affirmé que la société avait réussi à bâtir un écosystème entièrement indépendant des États-Unis. Il ajoute que cette dynamique pourrait permettre à la Chine de dépasser les États-Unis dans l’adoption de l’intelligence artificielle, grâce à une économie vaste et des scénarios d’usage concrets.
Huawei n’a pas gagné la guerre, mais elle a su éviter la défaite. Grâce à un investissement massif dans la R&D, à la mobilisation de la chaîne d’approvisionnement chinoise, et à sa capacité d’innovation logicielle et matérielle, la firme a prouvé qu’elle pouvait survivre… et même rebondir.
Reste à savoir si elle pourra regagner sa place au sommet du marché mondial, comme en 2020. Mais une chose est sûre : Huawei a déjoué les pronostics et pourrait bien devenir un symbole de souveraineté technologique dans le monde post-sanctions.



