Google poursuit sa stratégie d’intégration de l’intelligence artificielle dans ses produits, et cette fois, c’est le flux Google Discover — visible sur l’application Google et Chrome sur iOS et Android — qui en fait les frais.
Depuis peu, des résumés générés par IA sont apparus dans Google Discover, proposant aux utilisateurs des aperçus de sujets tendance en lifestyle, sport, culture ou encore divertissement. Le but affiché par Google ? Faciliter la découverte de contenu. Mais du côté des éditeurs et médias, l’inquiétude monte.
Une chute du trafic déjà bien amorcée
Depuis l’essor des outils d’IA générative intégrés à la recherche Google, comme les AI Overviews, le secteur des médias fait face à une diminution brutale du trafic organique. Selon Archyde, les recherches liées à l’actualité aboutissent à un clic vers un site éditeur dans seulement 31 % des cas. Cela signifie que près de 70 % des recherches se terminent sans visiter de site externe.
Le phénomène s’accélère avec Discover. Les résumés IA apparaissent sous forme de cartes regroupant les points clés extraits de plusieurs sources, souvent avec un lien vers l’article d’origine, mais sans incitation claire à cliquer. Résultat : les utilisateurs trouvent l’information en un coup d’œil… sans jamais visiter les sites qui l’ont produite.
Un système efficace, mais dévastateur pour les médias
Les éditeurs dénoncent un écosystème fermé qui empêche les lecteurs d’aller plus loin. Gooogle Discover était jusqu’à présent une source précieuse de trafic pour de nombreux sites spécialisés en divertissement, sport ou tendances. Mais en automatisant la synthèse des contenus, Google court-circuite le parcours de lecture, au détriment des auteurs.
Des médias comme Android Headlines ou The Wall Street Journal rapportent des baisses allant jusqu’à 20 % du trafic organique depuis l’activation des AI Overviews. Le modèle de Google Discover risque d’aggraver cette tendance, en transformant le flux en plateforme d’information autonome, où Google devient à la fois moteur de recherche, agrégateur et éditeur.
Des éditeurs en colère et sans leviers
L’absence de transparence sur la manière dont l’IA de Google extrait et attribue les contenus alimente la colère du secteur. Selon Digiday, plusieurs éditeurs demandent à pouvoir se retirer de ces fonctionnalités d’IA ou, au minimum, d’être rémunérés pour l’utilisation de leurs données.
Mais à ce jour, aucune solution de monétisation équitable n’a été proposée. Certains médias appellent à une intervention des régulateurs, accusant Google de gratter du contenu sans compensation, ce qui met en péril la viabilité du journalisme indépendant.
Une stratégie défendue par Google
Google tente de rassurer : les résumés IA auraient pour but de guider les utilisateurs vers les bonnes sources, et non de remplacer les articles. L’entreprise affirme que ces extraits s’accompagnent de liens, incitant à la lecture approfondie.
Mais cette logique peine à convaincre. L’histoire a prouvé que chaque changement d’algorithme majeur de Google pouvait bouleverser les stratégies SEO et faire s’effondrer des audiences du jour au lendemain.
L’IA menace l’indépendance de l’information en ligne
Cette évolution s’inscrit dans une tendance plus large. Des entreprises comme OpenAI ou Anthropic développent aussi des outils de résumé de contenu. Mais c’est Google, avec sa position dominante sur la recherche et les flux, qui impacte le plus fortement les modèles économiques des éditeurs.
Derrière cette transformation, c’est la notion même de propriété du contenu qui est remise en question. Si les internautes obtiennent l’information sans quitter l’environnement de Google, alors le modèle fondé sur la publicité, le clic et l’engagement s’effondre.
Quels recours pour les éditeurs ?
Face à cette révolution, les médias sont appelés à diversifier leurs sources de revenus, notamment via l’abonnement, les newsletters ou les partenariats directs. Cloudflare propose une piste intéressante : les crawlers IA distincts, permettant aux créateurs de contenu de choisir s’ils souhaitent ou non que leurs textes soient résumés.
D’autre part, des appels à la régulation du scraping algorithmique se multiplient, notamment sur les réseaux sociaux comme X, avec des hashtags comme #AIPublisherThreat ou #ProtectJournalism.
Les résumés IA dans Google Discover pourraient bien marquer une rupture dans la relation entre les moteurs de recherche et les éditeurs. S’ils améliorent l’expérience utilisateur, ils menacent aussi l’équilibre fragile sur lequel repose le journalisme numérique. Sans solution de partage équitable des revenus ni droit de contrôle, de nombreux sites risquent de perdre leur visibilité et leur viabilité.
Le défi pour les éditeurs sera donc double : adapter leurs pratiques aux nouveaux standards de l’IA, tout en faisant entendre leur voix pour préserver un écosystème médiatique pluraliste et durable.





