Alors que les restrictions imposées par les États-Unis et les Pays-Bas empêchent toujours l’exportation de machines de lithographie EUV (Extreme Ultraviolet) vers la Chine, le pays semble prêt à contre-attaquer technologiquement. Grâce à la machine e-beam Xizhi, conçue localement, et aux tests internes d’une machine EUV par Huawei, la Chine trace un nouveau chemin pour reprendre la main dans la course mondiale aux semi-conducteurs.
Pourquoi la lithographie est-elle cruciale pour les semi-conducteurs ?
La lithographie est le procédé utilisé pour graver les motifs des circuits sur les plaquettes de silicium qui composent les puces électroniques. Plus la gravure est fine, plus les transistors sont petits, et donc plus on peut en intégrer dans une puce. Cela améliore la puissance tout en réduisant la consommation d’énergie.
Les machines DUV (Deep Ultraviolet), avec une longueur d’onde de 193 nm, sont utilisées pour des gravures plus grossières. Les EUV, quant à elles, utilisent une longueur d’onde de 13,5 nm, permettant de graver les circuits des puces les plus avancées, notamment sous les 7 nm (comme les puces 3 nm ou 2 nm produites par TSMC et Samsung en 2025).
Xizhi : la première machine de lithographie e-beam chinoise
Développée à l’Université du Zhejiang, la machine Xizhi est capable de graver des circuits de 8 nm de largeur avec une précision de 0,6 nm, répondant ainsi aux normes internationales.
Contrairement aux EUV, la lithographie e-beam (à faisceau d’électrons) ne permet pas une production de masse efficace. Mais pour la phase de prototypage ou les petites séries, elle offre une alternative viable, notamment en l’absence d’accès aux équipements ASML.
Avantages de Xizhi :
- Fabriquée localement, donc non soumise aux sanctions.
- Moins coûteuse que les équivalents importés.
- Permet aux instituts de recherche chinois de continuer à innover malgré les restrictions.
Huawei teste sa propre machine EUV
Selon des fuites récentes, Huawei aurait construit et commencé à tester un prototype de machine EUV dans son usine de Dongguan. Si cela se confirme, le constructeur pourrait viser une production de test en 2025 et une production en série dès 2026.
Cela représenterait une avancée colossale, permettant à la Chine de produire des puces avancées sans dépendre de l’Occident. Cela pourrait aussi propulser SMIC, le principal fondeur chinois, au niveau des géants comme TSMC ou Samsung Foundry.
Quel impact pour Huawei et ses smartphones ?
Avant les sanctions américaines, HiSilicon, la division semi-conducteurs de Huawei, était le deuxième plus gros client de TSMC après Apple. Le dernier SoC produit par TSMC pour Huawei fut le Kirin 9000 (5 nm) en 2020.
Depuis, Huawei a surpris tout le monde avec le Kirin 9000S, gravé en 7 nm par SMIC et compatible 5G, malgré les restrictions technologiques.
Avec des machines comme Xizhi, et peut-être bientôt une machine EUV maison, Huawei pourrait un jour rattraper Apple et Qualcomm — à condition de réussir à industrialiser cette nouvelle génération d’outils.
Les limites actuelles :
- La production de masse reste impossible avec e-beam.
- Une machine EUV locale reste en phase de test.
- L’écosystème logiciel et les matériaux haute précision nécessaires aux EUV sont encore en développement en Chine.
Une avancée décisive, mais encore incomplète
La livraison de Xizhi marque un tournant dans la lutte de la Chine pour l’autonomie technologique. L’émergence de solutions locales en lithographie, combinée à l’ambition de Huawei de créer une machine EUV domestique, montre que le pays ne reste pas passif face aux sanctions.
Cela ne remplace pas encore les machines EUV d’ASML, mais la Chine pose les fondations d’une industrie des semi-conducteurs indépendante. Et cela pourrait bien changer l’équilibre mondial dans les années à venir.



