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Huawei vise le « 2 nm sans EUV » : un brevet qui pourrait rebattre les cartes du semi-conducteur

Huawei vise le « 2 nm sans EUV » : un brevet qui pourrait rebattre les cartes du semi-conducteur
Huawei vise le « 2 nm sans EUV » : un brevet qui pourrait rebattre les cartes du semi-conducteur

Dans ce qui pourrait devenir l’un des tournants les plus audacieux de la course aux semi-conducteurs, Huawei a discrètement déposé un brevet détaillant une méthode pour fabriquer des puces de classe 2 nm… uniquement avec de la lithographie DUV.

Autrement dit : avec des machines que la Chine peut encore acheter, contrairement aux systèmes EUV, strictement interdits d’exportation vers Pékin.

Le document, soumis en 2022 mais rendu public récemment et repéré par l’expert Frederick Chen, décrit un procédé de multi-patterning avancé capable d’atteindre une metal pitch de 21 nm, une dimension critique qui positionnerait ce futur procédé dans la même catégorie technologique que les nœuds 2 nm de TSMC et Samsung… tous deux dépendants de l’EUV.

Si Huawei parvient à industrialiser ce flux, la Chine signerait le coup de génie technique le plus inattendu depuis l’ère des sanctions.

Un procédé SAQP optimisé : comment Huawei veut plier le DUV à sa volonté

Le brevet révèle une version revisitée du Self-Aligned Quadruple Patterning (SAQP). L’objectif : réduire le nombre d’expositions DUV nécessaires à seulement quatre passes, quand les solutions classiques en exigent souvent bien plus.

Plus l’industrie réduit le nombre d’expositions, plus la complexité diminue, le risque de défauts baisse, et les coûts deviennent (relativement) supportables.

L’idée de Huawei/SMIC est simple et radicale : Pousser le DUV — une technologie des années 2010 — bien au-delà de ses limites naturelles, jusqu’à reproduire ce que l’EUV fait en un seul tir.

Cela permettrait à Huawei de passer du récent Kirin 9030 (SMIC N+3) directement à un node 2 nm DUV, sans EUV, sans ASML, sans levier de pression américain.

Un contournement potentiel spectaculaire.

Un exploit scientifique… mais un casse-tête industriel

Les analystes restent toutefois prudents. Oui, c’est théoriquement faisable. Non, personne n’a encore prouvé que c’était industriellement viable.

Le quadruple patterning extrême pose plusieurs risques :

  • Rendements catastrophiques : Plus il y a d’étapes, plus il y a d’occasions de créer un défaut fatal.
  • Coûts démesurés : L’EUV coûte cher, mais elle réduit la chaîne de fabrication. Le DUV multi-patterning fait l’inverse : il économise la machine, mais explose la complexité.
  • Délais de production colossaux : Chaque exposition DUV est lente ; quatre expositions, c’est quatre fois plus de chances de dérive.
  • Défauts de ligne et variabilité intra-puce : À ces dimensions, même une vibration infime ou une variation thermique tue la régularité du motif.

C’est précisément pour éviter ce chaos que l’industrie a abandonné le DUV multi-patterning après 5 nm pour passer massivement à l’EUV.

Si ça marche, c’est un affront direct au régime de sanctions

Bien que rien ne garantisse une industrialisation du procédé, le simple fait que Huawei planche dessus en dit long :

  • La Chine pousse chaque technologie non sanctionnée jusqu’à sa limite physique.
  • Elle explore toutes les voies pour atteindre l’indépendance technologique.
  • Elle démontre qu’il est possible de contourner l’absence d’EUV — au moins sur le papier.

Ce brevet n’est pas juste une innovation : c’est une déclaration politique et stratégique.

Que signifie vraiment ce brevet ?

  1. Huawei prépare l’ère post-sanctions : Le géant anticipe un monde où aucun outil EUV ne lui sera jamais vendu.
  2. La Chine ne veut plus rattraper : elle veut contourner. En transformant du matériel « obsolète » en arme stratégique.
  3. Même si le procédé échoue, Huawei montre qu’elle sait où frapper : Le brevet expose une compréhension très fine des limites actuelles du DUV et des moyens de les pousser.
  4. Si SMIC parvient à produire à grande échelle : coup de tonnerre mondial. L’ensemble du régime de sanctions serait remis en question. Les États-Unis devraient alors revoir toute leur stratégie de contrôle de la Chine.

Une bombe technologique encore désamorcée — mais qui pourrait exploser

Le brevet de Huawei n’est pas la preuve que la Chine fabriquera du 2 nm sans EUV l’année prochaine. Mais, il est la preuve que la Chine explore méthodiquement toutes les échappatoires, le DUV n’a pas encore dit son dernier mot, et Huawei n’a aucune intention de rester coincée à 5 nm.

Pour l’instant, cette approche SAQP extrême est surtout un signal fort : l’innovation chinoise ne se limite plus aux contournements ; elle vise désormais l’impossible.

 

Tags : EUVHuawei
Yohann Poiron

The author Yohann Poiron

J’ai fondé le BlogNT en 2010. Autodidacte en matière de développement de sites en PHP, j’ai toujours poussé ma curiosité sur les sujets et les actualités du Web. Je suis actuellement engagé en tant qu’architecte interopérabilité.