Un document interne confidentiel d’Amazon, récemment révélé par des journalistes d’investigation, met en lumière les tentatives délibérées du groupe pour masquer la consommation d’eau colossale de son réseau mondial de centres de données.
Ces installations, essentielles pour soutenir la croissance du cloud et des projets d’intelligence artificielle, consomment des quantités d’eau vertigineuses — un sujet de plus en plus sensible dans un monde confronté à la pénurie hydrique.
105 milliards de gallons : l’eau cachée derrière le cloud
Le mémo, daté de 2021, révèle que les centres de données d’Amazon ont utilisé environ 105 milliards de gallons d’eau cette année-là — soit l’équivalent de la consommation annuelle de près d’un million de foyers américains, ou d’une ville comme San Francisco.
Mais, selon les documents obtenus par le média Source Material, les dirigeants auraient délibérément cherché à ne divulguer qu’une fraction de ce chiffre, en excluant l’eau utilisée pour la production d’électricité alimentant leurs infrastructures.
L’objectif : présenter un bilan environnemental artificiellement favorable.
Les dessous du refroidissement des serveurs
Les experts du secteur savent qu’un refroidissement efficace est indispensable pour maintenir les serveurs en activité. Amazon — le plus grand opérateur mondial de centres de données — exploite des centaines de sites, souvent situés dans des zones arides comme l’Arizona ou le Chili, où l’accès à l’eau est déjà limité.
Le mémo révèle des débats internes sur la manière de « formuler » les rapports publics, en suggérant notamment de mettre en avant l’utilisation d’eau recyclée tout en minimisant la communication sur les prélèvements réels.
Cette stratégie aurait été motivée par la crainte d’un retour de bâton médiatique et politique, alors que la société planifiait une « énorme augmentation de capacité » pour répondre à la montée en puissance de l’IA.
Réactions officielles et démentis
Face aux révélations, la porte-parole d’Amazon, Margaret Callahan, a qualifié le document de « périmé », affirmant qu’il ne reflète pas les pratiques actuelles de gestion de l’eau du groupe.
Cependant, plusieurs enquêtes — notamment du Guardian — corroborent ces constats, pointant du doigt une sous-déclaration systématique de la consommation indirecte liée à la production d’électricité, pratique également courante chez d’autres géants du secteur.
Cette affaire soulève une question centrale pour les entreprises technologiques : comment concilier expansion numérique et responsabilité écologique ?
Vers un encadrement réglementaire plus strict ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, les centres de données ont consommé entre 1 et 1,5 % de l’électricité mondiale, entraînant une hausse parallèle de la demande en eau.
Dans des régions déjà fragilisées, comme le sud-ouest des États-Unis, cette situation a provoqué des mouvements de protestation contre la construction de nouveaux sites.
Les experts appellent à des obligations de transparence plus strictes, estimant que les engagements volontaires restent insuffisants.
Des solutions existent — systèmes de refroidissement à air, réutilisation des eaux usées, technologies à faible consommation — mais nécessitent des investissements massifs que la note interne d’Amazon semble reléguer au second plan.
Un avertissement pour toute l’industrie
Cette fuite agit comme un signal d’alarme pour l’ensemble du secteur technologique. Alors qu’Amazon affirme viser la neutralité hydrique dans certaines opérations, les documents révèlent une culture d’opacité calculée.
À l’heure où la croissance de l’intelligence artificielle fait exploser la demande énergétique, l’impact environnemental du numérique devient impossible à ignorer.
Comme l’a résumé un analyste : « Le vrai coût du cloud, ce n’est plus seulement l’énergie — c’est aussi l’eau qu’il engloutit en silence ».



