Le président américain Donald Trump, de retour au centre de la scène politique, a dévoilé son « AI Action Plan », une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle radicalement différente de celle de l’administration Biden. L’objectif affiché : accélérer l’adoption de l’IA aux États-Unis tout en supprimant les freins réglementaires et idéologiques perçus comme des obstacles à l’innovation.
Ce plan de 28 pages, présenté à Washington en marge d’un événement organisé par le Hill and Valley Forum et le podcast technologique All-In, définit trois axes d’action : stimuler l’innovation, renforcer les infrastructures, et affirmer le leadership mondial des États-Unis dans le domaine de l’IA.
Une IA sans entraves : moins de régulation, plus d’expérimentation
Le plan Trump mise sur une approche libérale et décomplexée : l’IA doit pouvoir se développer rapidement, sans être freinée par des réglementations « inutiles » ou des considérations idéologiques.
L’un des volets les plus controversés du texte propose de supprimer toute référence à la désinformation, à la diversité, à l’équité, à l’inclusion ou encore au changement climatique dans les lignes directrices de gestion des risques de l’administration fédérale.
L’objectif assumé est de favoriser un « try-first culture », c’est-à-dire une culture de l’expérimentation rapide, où l’IA est testée en conditions réelles sans attendre des validations bureaucratiques longues. Pour y parvenir, le plan prévoit notamment de :
- Supprimer les règles fédérales et locales qui ralentissent la construction de data centers ou d’usines de semi-conducteurs.
- Couper les subventions aux États qui imposeraient des contraintes réglementaires jugées excessives sur les technologies d’IA.
- Étendre le réseau électrique pour soutenir ces industries à forte intensité énergétique.
Vers une IA « objectivement neutre » ?
Le plan insiste sur la nécessité de créer des systèmes d’IA « objectifs et sans biais idéologiques » — une formule floue qui reflète la volonté du camp républicain de lutter contre ce qu’il considère comme un parti pris progressiste dans les technologies numériques.
À ce titre, il est proposé d’interdire aux agences fédérales de contracter avec des entreprises développant des modèles linguistiques d’IA (LLM), si celles-ci ne peuvent garantir que leurs systèmes ne sont pas influencés par une orientation idéologique.
Cette exigence soulève des inquiétudes sur la définition même de la neutralité en intelligence artificielle, et sur la manière dont elle pourrait être imposée sans censurer certains discours ou communautés.
Diplomatie technologique et sécurité nationale
Côté international, le plan reconnaît l’enjeu stratégique de l’IA dans la compétition technologique mondiale. L’administration Trump envisage de restreindre certaines exportations de semi-conducteurs vers des « adversaires étrangers », tout en encourageant la diffusion des outils d’IA américains à l’échelle mondiale.
Dans une volte-face stratégique, les restrictions imposées à Nvidia ont récemment été assouplies, permettant à l’entreprise de vendre certains de ses processeurs IA avancés à des partenaires étrangers, notamment en Chine — une décision qui pourrait évoluer selon les prochains décrets.
Armée, bio-sécurité et deepfakes : les cas d’usage prioritaires
Le plan propose une adoption massive de l’IA dans les forces armées, les services de renseignement et les agences de sécurité nationale. Il mise aussi sur le potentiel de l’IA dans la recherche biomédicale, en particulier pour accélérer la découverte de nouveaux traitements.
Enfin, le document aborde la lutte contre les deepfakes, en appelant à la création d’un cadre juridique clair pour sanctionner les abus tout en protégeant la liberté d’expression.
Une vision clivante et idéologique de l’intelligence artificielle
L’« AI Action Plan » s’inscrit dans une dynamique très marquée politiquement. Derrière les grandes promesses d’innovation et de croissance économique, c’est une vision de l’IA axée sur le rejet de la régulation, des normes climatiques et de l’inclusivité qui se dessine.
Comme l’écrivent les trois signataires du document — David Sacks, conseiller IA de la Maison-Blanche, Michael Kratsios, conseiller scientifique, et Marco Rubio, secrétaire d’État — : « L’opportunité qui se présente à nous est aussi inspirante qu’intimidante. Il nous appartient d’en tirer parti… ou de la perdre. ».
Une IA made in USA, sans filtre ni garde-fous ?
Ce plan place les États-Unis dans une posture ultra-compétitive, où l’idéologie libérale prime sur la prudence éthique. Si certaines mesures pourraient stimuler l’innovation et renforcer les capacités technologiques américaines, d’autres soulèvent de sérieuses questions sur l’équilibre entre rapidité, sécurité, et responsabilité.
À l’heure où l’Union européenne et d’autres puissances optent pour une régulation encadrée de l’intelligence artificielle, la doctrine Trump choisit la vitesse, quitte à sacrifier certains garde-fous essentiels. Une vision qui promet de faire débat… et peut-être de redessiner les contours de la gouvernance mondiale de l’IA.


