Dans un secteur où les exigences de calcul explosent et où l’impact environnemental de l’intelligence artificielle suscite de plus en plus de débats, Google a pris une initiative inédite : publier des données précises sur la consommation énergétique de son modèle Gemini.
Selon un rapport technique diffusé en août 2025, une requête texte type adressée à Gemini consomme en moyenne 0,24 watt-heure d’électricité — l’équivalent de moins de 9 secondes de télévision.
En termes d’émissions, cela représente 0,03 g de CO₂ et 0,26 ml d’eau, soit environ cinq gouttes.
C’est la première fois qu’un géant du numérique communique des chiffres aussi détaillés sur l’impact énergétique par interaction avec un modèle d’IA.
Gemini : Des gains d’efficacité spectaculaires
Google explique ces résultats par une optimisation majeure de son infrastructure :
- une réduction de 33 fois de la consommation énergétique par requête en un an,
- une baisse de 44 fois de l’empreinte carbone,
- une utilisation accrue d’énergies propres dans ses data centers.
Partha Ranganathan, vice-président chez Google, a insisté sur la « responsabilité environnementale » de l’entreprise, notamment face aux critiques croissantes sur la consommation colossale des IA.
Cependant, ces chiffres ne concernent que les prompts texte en phase d’inférence. Les tâches plus gourmandes, comme la génération d’images ou de vidéos, n’ont pas été prises en compte.
Un impact minime par requête… mais colossal à grande échelle
Individuellement, l’empreinte semble négligeable. Mais ramenée à l’échelle mondiale, l’addition change de dimension :
- 1 million de requêtes équivaut à 240 kWh consommés,
- soit 30 kg de CO₂ émis,
- et 260 litres d’eau utilisés.
Avec environ 47 millions d’utilisateurs de Gemini, ces chiffres cumulés peuvent correspondre à la consommation énergétique d’une petite ville.
Les experts sceptiques face à Google
Si cette transparence est saluée, elle n’échappe pas aux critiques. Certains chercheurs estiment que Google occulte des coûts essentiels, comme l’entraînement des modèles (extrêmement énergivore) ou la fabrication du matériel. Shaolei Ren, professeur associé à l’Université de Californie, parle même d’informations trompeuses, qui minimiseraient les véritables défis de durabilité.
D’autres rappellent que les estimations de Google sont inférieures aux calculs indépendants publiés ces dernières années, soulignant le besoin d’une normalisation de la mesure de l’empreinte carbone de l’IA.
Quelles implications pour l’industrie de l’IA ?

Cette publication pourrait mettre la pression sur des acteurs comme OpenAI ou Meta, encore très opaques sur la question. En rendant ces données publiques, Google ouvre la voie à une responsabilisation de l’écosystème IA.
Mais pour les experts, de vrais progrès ne pourront venir qu’avec une analyse du cycle de vie complet (entraînement, déploiement, matériel), une intégration accrue des énergies renouvelables, et des solutions innovantes, comme les systèmes de refroidissement avancés pour réduire l’usage de l’eau.
Une transparence bienvenue, mais incomplète
Le rapport de Google marque une étape importante vers plus de clarté sur l’impact écologique de l’IA. Toutefois, limiter l’analyse aux seuls prompts texte d’inférence revient à réduire artificiellement l’empreinte réelle.
La tension reste entière : comment profiter du potentiel de l’IA dans des domaines cruciaux, comme la médecine ou la lutte contre le changement climatique, sans aggraver les problèmes environnementaux ?
Google a ouvert la voie, mais le défi à relever est collectif : instaurer une transparence standardisée et mettre en œuvre des mesures durables pour que l’intelligence artificielle rime aussi avec responsabilité.



