Huawei vient de franchir un cap historique dans son ambition de souveraineté technologique avec le lancement officiel de HarmonyOS PC, également connu sous le nom de Hongmeng Computer en Chine.
Présenté comme un système d’exploitation développé intégralement en interne, HarmonyOS PC marque une rupture stratégique majeure : s’émanciper totalement des technologies occidentales, à commencer par Microsoft Windows.
Après cinq années de développement impliquant plus de 10 000 ingénieurs et 2 700 brevets, le géant chinois entre dans une nouvelle ère du computing — une ère où le hardware, l’OS, les applications et même l’assistant vocal sont conçus dans un écosystème 100 % Huawei.
Qu’est-ce que HarmonyOS PC ?
Basé sur HarmonyOS 5, ce nouveau système pour ordinateurs est le prolongement logique de l’écosystème HarmonyOS, déjà présent sur les smartphones, tablettes, montres connectées, téléviseurs et tableaux de bord automobiles de la marque.
Avec HarmonyOS PC, Huawei ne se contente pas de créer un « Linux avec une surcouche ». Il s’agit d’un OS full stack comprenant :
- Un noyau propriétaire remanié,
- Le moteur graphique Ark pour les effets et animations,
- Une architecture de sécurité StarShield renforcée,
- Un assistant vocal intelligent intégré : Xiaoyi,
- Et un environnement de développement dédié : ArkTS et ArkUI.
Le tout est conçu pour offrir une expérience fluide, connectée et sécurisée sur l’ensemble des appareils Huawei.
Lancement du premier PC HarmonyOS : une puce Kirin au cœur du système
Le tout premier ordinateur sous HarmonyOS PC a été lancé fin mai. Il embarque la puce Kirin X90, un processeur maison à 10 cœurs, spécifiquement conçu pour les ordinateurs de bureau.
Par défaut, Windows ne sera pas pris en charge nativement. Toutefois, les utilisateurs pourront faire tourner Windows 11 via une machine virtuelle Oseasy, fournie par Huawei pour garantir une compatibilité partielle avec les logiciels classiques.
HarmonyOS PC vs Windows : quelles sont les vraies différences ?
1. Architecture : un OS verticalement intégré
Contrairement à Windows, conçu pour une compatibilité universelle avec de multiples marques et configurations, HarmonyOS PC est pensé pour fonctionner exclusivement avec les appareils et périphériques certifiés Huawei. Cette approche garantit une meilleure synergie matériel/logiciel, mais limite aussi l’ouverture du système à l’écosystème global.
À ce jour, plus de 150 applications PC natives et 2 000 applications universelles sont disponibles sur HarmonyOS PC — un chiffre encore modeste face aux centaines de milliers de programmes compatibles avec Windows.
2. Collaboration multi-appareils native
Huawei met en avant une expérience multi-écrans fluide, rendue possible par la technologie Soft Bus distribuée. Elle permet de partager clavier, souris, fichiers ou même fenêtres d’applications entre un smartphone, une tablette et un PC, en temps réel, sans configuration complexe.
Face à cela, Microsoft propose des solutions similaires avec Phone Link ou OneDrive, mais l’intégration reste plus fragmentée et dépend souvent d’apps tierces.
3. Interface utilisateur : entre macOS et futurisme
L’interface graphique de HarmonyOS PC rappelle davantage macOS que Windows :
- Un dock d’applications centré,
- Une barre supérieure minimaliste,
- Un bureau en cartes dynamiques avec effets de profondeur, transparence et animations fluides.
Les gestes tactiles sont également au cœur de l’expérience : glissements à trois doigts, écran partagé intelligent, et glisser-déposer optimisé pour le multitâche.
4. Intelligence artificielle embarquée
Avec HarmonyOS PC, Huawei mise sur l’intelligence artificielle comme moteur central de l’OS. L’assistant Xiaoyi, propulsé par les modèles Pangu et DeepSeek, est capable de :
- Résumer des réunions en temps réel,
- Générer des documents ou des modèles de présentation,
- Traduire des textes ou images instantanément,
- Contrôler l’interface système par commande vocale ou contextuelle.
Face à cela, Windows mise sur Copilot, intégré à Microsoft 365, mais son niveau d’intégration reste plus superficiel comparé à Xiaoyi, qui agit au cœur du système.
5. Sécurité et confidentialité avant tout
Huawei a conçu HarmonyOS PC avec la sécurité comme pilier fondamental :
- Chiffrement complet du disque à même la puce,
- Effacement à distance possible même si l’appareil est éteint,
- Permissions ponctuelles par application,
- Filtrage d’écran anti-regards indiscrets.
En comparaison, Windows repose sur des outils comme BitLocker, mais ces fonctionnalités ne sont pas activées ou disponibles par défaut sur tous les appareils.
Une alternative pensée pour la souveraineté numérique
HarmonyOS PC ne vise pas seulement à concurrencer Windows. Il s’agit d’un projet stratégique pour la Chine, dans un contexte de guerre technologique latente avec les États-Unis.
En proposant une plateforme 100 % maison, Huawei peut :
- S’affranchir des composants américains (logiciels et matériels),
- Créer un écosystème fermé et interconnecté à la Apple,
- Et répondre à la demande croissante de systèmes souverains dans les administrations et entreprises publiques chinoises.
Défis à relever : compatibilité, adoption, écosystème
Malgré ses promesses, HarmonyOS PC n’est pas encore prêt à conquérir l’international :
- Le nombre limité d’applications reste un frein pour les utilisateurs avancés,
- L’absence de compatibilité native avec les logiciels Windows pourrait rebuter les professionnels,
- Et l’adoption hors de Chine reste hypothétique, à cause des tensions géopolitiques.
Mais pour Huawei, il ne s’agit pas d’un produit grand public uniquement : c’est un manifeste de souveraineté, une démonstration de force technologique, et une fondation pour l’avenir.
HarmonyOS PC, un pari audacieux sur l’après-Windows
Huawei signe avec HarmonyOS PC l’un des plus ambitieux projets informatiques jamais lancés en Chine. Plus qu’un simple système d’exploitation, il s’agit d’un symbole de résilience technologique face aux embargos occidentaux. Avec son IA embarquée, son design moderne et son intégration totale dans l’écosystème Huawei, HarmonyOS PC a tout d’un rival sérieux pour Windows… au moins sur le sol chinois.
Il reste à voir si cette vision pourra séduire un public plus large, ou si elle restera confinée à un usage local et institutionnel. Une chose est sûre : l’ère post-Windows vient peut-être de commencer.
